Rosy (suite de Marie)
Rosy marchait vite, elle s’empêchait de se retourner, il ne fallait pas qu’elle la voit où elle n’aurait jamais le courage de la laisser. Pourtant, il fallait. Elle ne pouvait plus s’en occuper.
C’était trop difficile.
Trois ans plus tôt, à la suite d’un viol, elle avait mis au monde une petite fille qu’elle avait appelée Marie.
La plupart du temps, elle l’aimait mais il arrivait qu’elle la déteste. Une horreur sans borne la submergeait et ces jours-là, elle la laissait seule et s’en allait par les rues.
Elle avait peur de lui faire du mal. Alors, elle marchait, elle marchait, elle marchait jusqu’à ce que trop fatiguée, elle s’endorme. Sur un banc dans un square, au pied d’un arbre dans une forêt, dans un wagon de métro. L’endroit lui importait peu. Elle dormait et quand elle se réveillait, elle rentrait chez elle et reprenait le cours de sa vie jusqu’à la prochaine crise.
Ses crises revenaient de plus en plus souvent. Pourtant, elle priait. Dans la petite église contigüe au cimetière où dormaient ses parents, presque tous les dimanches quand elle allait leur rendre visite elle priait. Elle demandait à Marie la mère de Jésus de l’aider. Elle avait même donné son prénom à la petite dans l’espoir que pour elle ce serait une chance dans la vie.
Elle n’arrivait pas à oublier cette soirée où rentrant un peu tard de chez une copine, elle a été agressée, violée et sauvagement battue.
Ses parents apeurés n’avaient pas voulu porter plainte et lui ont conseillé d’oublier. Ils en sont morts de chagrin et de honte. Ils n’arrivaient pas à oublier non plus.
Un soir, ils l’embrassèrent, lui souhaitèrent une bonne nuit. Puis après avoir avalé les médicaments du père qui avait le cœur malade, ils se couchèrent et ne se réveillèrent plus. La laissant seule avec la perspective de l’enfant à naître.
Elle leur en voulait de cette désertion et ne se gênait pas pour le leur dire à chaque visite.
Ils n’avaient pas le droit de l’abandonner ainsi. Elle leur disait qu’ils n’avaient pensé qu’à eux.
Puis elle s’en voulait, alors, elle entrait dans la petite église et priait, priait pour le pardon, priait pour ses parents, priait pour l’oubli, priait pour la petite , priait et priait encore.
La prière ne l’aidait pas. Trop souvent, elle revivait l’instant de l’horreur et ne se maîtrisait plus.
Voilà pourquoi il fallait qu’elle laisse Marie. Quelqu’un la trouverait et s’en occuperait.
Elle avait pensé au centre commercial parce qu’il y faisait chaud et qu’il y avait beaucoup de monde. Il y avait aussi le manège que Marie adorait et ce serait plus facile de la laisser heureuse sur le manège. Ce serait la dernière image qu’elle aurait de Marie. L’image d’une petite fille heureuse qui tournait, qui tournait, qui tournait.
à suivre