Quand lièvre s'ennuie

Publié le par reinette

Quand lièvre s'ennuie

Tire-toi de mon chemin, pet de la montagne affaissée, dit lapin au vieux lièvre en l’effleurant au passage.

-Mais où cours-tu si vite ? Répond lièvre

Bien sûr il ne reçoit pas de réponse, lapin est déjà loin.

Etonné de ce départ intempestif, lièvre appelle lapine qui arrive avec ses gros sabots en tenant à deux mains sa petite laine mitée qui n’entretient plus aucune chaleur depuis longtemps.

Elle montre un visage ravagé et ses lèvres tremblantes présagent un flot imminent de larmes.

-Que veux-tu encore vieux lièvre ?

-Moi rien, mais où est allé ton mari de si bonne heure et avec cette hâte qu’il m’a presque renversé.

-Que veux-tu que je te dise ? Toi qui es si futé et qui sais toujours tout, tu devrais le savoir. en tout cas je ne te le dirai pas puisque je ne le sais pas.

Lièvre, dubitatif, trouve là un mystère qu'il va s'attacher à éclaircir.

En trois bonds et deux culbutes, il rattrape lapin et discrètement le suit.

Foi de ses ancêtres il saura ce que trame ce lapin arrogant.

La tortue tordue se pressait elle aussi,

elle cheminait en bordure du sentier là où l’herbe encore humide de la nuit rendait sa glisse plus facile.

-Tu vas aussi à la réunion lui demande lièvre qui se croit malin.

Il pense ainsi savoir le pourquoi du comment. Mais à malin, malin et demi et la tortue tordue lui dit dans un rictus ricanant

-La réunion ? Mais où y a-t’il une réunion ? Personne ne m’a mise au courant

-Je ne sais pas moi, je croyais que tu allais à la même réunion que lapin.

-Lapin va où il veut et moi je vais là où je dois ?

-Et où dois-tu aller ? dit lièvre

-Là où j’arriverai avant toi de toute façon.

-Chiche ! On fait la course dit lièvre et si je gagne, tu me dis où tu vas.

-D’accord dit la tortue tordue en étirant encore plus son rictus, si tu arrives avant moi à la fontaine sans eau tu sauras où je vais.

Le lièvre, sans perdre un instant s’en va, tandis que la tortue tordue prend la direction de la rivière.

Qu’irait-elle faire à la fontaine sans eau ? Ce n’est toujours pas là qu’elle va se désaltérer.

A la fontaine sans eau, compère loriot picore des miettes laissées par les enfants venus jouer par là, lorsqu’il voit lièvre tout essoufflé atterrir, dans un dernier rouler-bouler, sur la margelle.

Après avoir repris sa respiration, lièvre demande à compère loriot s’il est le premier arrivé.

Celui-ci lui répond qu’il est là depuis pas bien longtemps et que lièvre est le premier manant qu’il voit débarquer.

-Vois-tu dit lièvre je veux savoir ce que trament monsieur lapin et dame tortue.

-Parce qu’ils trament quelque chose ces deux là ? répond Loriot.

-Figure toi, lui dit lièvre, qu’ils sont partis tous deux très vite à mâtines et ni l’un ni l’autre n’ont voulu me dire où ils allaient.

-Et pourquoi donc veux-tu le savoir ? En quoi cela te concerne-t’il ?

-En rien, je veux savoir c’est tout

-Je te trouve bien curieux.

-Dis Loriot, toi qui d’un coup d’aile va au bout de la terre, voudrais-tu aller voir si la tortue arrive bientôt ?

-Ah non ! Répond loriot. Je suis fatigué et j’attends ma compagne qui ne devrait plus tarder et dès qu’elle se sera reposée nous reprendrons notre voyage.

-Et où allez-vous dit lièvre ? Qu’est-ce que vous avez tous à partir aujourd’hui ?

-Nous vaquons à nos occupations et tu devrais faire de même au lieu de t'occuper des autres.

Lièvre, dépité d’essuyer encore un refus de savoir, prend sa mine rusée et fait semblant de dormir. Il garde un œil sur loriot qui attend sa compagne et, se dit-il, quand ils partiront,

Foi de mes ancêtres, je les suivrai.

Bien longtemps après, lièvre se réveille et constate qu’il n’a pas pu s’empêcher de dormir et qu’il est maintenant seul à la fontaine sans eau.

Le soleil est déjà à l’horizon, il reste un instant à admirer la beauté du ciel en feu et sans trop se presser, parce qu’indécis, retourne sur ses pas.

Sur sa route lièvre croise la chèvre qui, ayant fini de tondre le carré d’herbe qu’on lui avait alloué pour la journée, rentre, pressée de retrouver ses petits.

-Bonsoir chevrette lui dit lièvre. Où vas-tu comme ça ?

-je rentre chez moi, pardi

-Ah ! C’est tout lui répond-il

-Ben oui c’est tout, à cette heure-ci, que le soleil est presque couché, où veux-tu que j’aille ?

-Ben, je sais pas moi. Peut-être à la réunion de lapin.

-Et où a lieu cette réunion ? Peut-être que j’irai plus tard quand mes petits seront couchés ?

-Justement je voudrais bien le savoir.

-Va voir cheval, je l’ai vu discuter avec lapin, pas plus tard que tout à l’heure. Peut-être le Sait-il ? S’il te le dit tu reviens me le dire.

Enfin quelqu’un qui a vu lapin !

Lièvre est tout content. Il est sur le point de découvrir ce que lui a caché ce lascar de lapin.

Sa curiosité lui donne du regain et c’est en courant qu’il va voir le cheval.

Cheval, déjà installé à l’écurie, le nez fourré dans sa mangeoire, se régale de sainfoin.

-Bonsoir cheval as-tu vu lapin aujourd’hui ?

- non, non, je n’ai vu que des trains au loin qui couraient vers je ne sais où, des oiseaux qui traversaient le ciel, ce qu’ils font toujours, des vers qui retournaient la terre pour le jardinier, des coccinelles qui se nourrissaient sur les fleurs et des abeilles qui récoltaient le suc de ces mêmes fleurs.

-pourtant la chèvre m’a dit t’avoir vu discuter avec lapin

-Tu lui diras de mettre ses lunettes et laisse-moi maintenant je dois finir mon repas avant que le palefrenier ne me croit malade et appelle le vétérinaire.

-et pourquoi veux-tu savoir si j’ai vu lapin ?

-Pour rien, je veux savoir c’est tout

Le cheval part dans un fou rire entrainant avec lui le coq qui jouait dans le coin qui le transmet aux poules qui le transmettent aux pintades qui le transmettent aux vaches, qui le transmettent aux moutons, ainsi toute la ferme se met à rire de bon cœur.

Lièvre vexé repart tristement. Il se sent bien seul. Personne ne lui dit jamais rien et de plus ils se moquent de lui.

La nuit prend ses quartiers. Lièvre décide qu’il est temps d’aller prendre son bain à la rivière, de trouver quelque chose à manger et un endroit pour dormir.

Il reprendra sa quête demain et foi de ses ancêtres, il saura ce qui se trame.

La lune qui se mirait dans l’eau fait un clin d’œil à lièvre et glissant un de ses rayons sous le saule découvre une présence.

-chut lui dit-elle. Il dort, il a eu une journée bien difficile.

Lièvre essaye de faire doucement pour s’approcher de l’inconnu qui ronfle. Mais dans sa maladresse, se prend les pattes dans le câble d’amarrage d’une barque qui déclenche une alarme qui réveille l’inconnu.

-Qui va là dit-il ?

-C’est moi lièvre, je suis désolé de vous avoir réveillé qui êtes vous ?

La lune furieuse de tout ce vacarme leur tourne le dos et l’obscurité complète ne lui permet pas de reconnaître l’individu.

Le temps pour lièvre d’arriver, il a disparu sans répondre.

Encore un mystère. Lièvre voit des mystères partout. Il apostrophe la lune et lui somme de lui donner l’identité de ce grossier personnage.

La lune n’en fait rien et lui dit qu’elle l’avait prévenu, fallait pas faire de bruit.

Puis elle s’assied sur un nuage qui, aussitôt poussé par le vent, l’emmène de l’autre côté du ciel

Boudeur, il finit par s’endormir au pied d’un gros peuplier.

Sa nuit peuplé de lapins qui apparaissent et disparaissent aussitôt ne le repose guère

Aussi se leve-t’il rapidement quand le soleil coquin se met à lui chatouiller les moustaches.

Il se glisse dans le champ le plus proche pour y prélever son déjeuner.

L’estomac bien lesté il va se poster sur le chemin qu’emprunte tout un chacun pour vaquer à ses affaires. C’est l’endroit idéal pour voir et savoir

-Tiens ! dame taupe est en retard, bizarre se dit lièvre. Y aurait-il anguille sous roche ?

Il s’apprête à la suivre lorsque se présente une hase, la plus belle, la plus sublime des hases.

Elle est habillée de dimanche et se déhanche admirablement sur ses jolis talons vernis.

Lièvre est en admiration. Oubliant lapin et tous les autres avec leurs secrets, il fait ses cabrioles les plus compliquées pour épater la belle qui se prend au jeu.

Tandis que tous vaquent à leurs occupations, lièvre, lui, fait la cour à la dame de son cœur.

Il ne pense plus à rien d’autre.

Peu lui importe leurs secrets, il ne tient plus à le savoir. Seule compte la hase qui le regarde amoureusement.

Vous tous qui avez suivi lièvre dans ses tribulations, vous êtes invités à la grande fête qu’ils donneront ce soir pour sceller leur union.

Elle aura lieu dans la clairière du bois touffu dès que la lune se montrera.

Le miel coulera à flot, et le bal durera toute la nuit au son des tridulations des criquets.

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M
Ah ! L'amour, l'amour...!
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